Jean-Pierre Léaud, l’acteur le plus odieux du cinéma français, joue le rôle d’un quinquagénaire, qui, argent oblige, recommence à tourner des films pornos après une quinzaine d’années oisives. Pendant ces années, comme il le dira à une petite emmerdeuse qui a plus l’air de rédiger un mémoire sur la porno que d’être une journaliste comme elle le prétend, il est entretenu par sa nouvelle femme, une architecte qui le vénère comme une mère peut vénérer un enfant pourri. Son enfant (qui n’est pas le fils de la femme architecte), par contre, l’a abandonné dès qu’il a compris le type de travail du père bien après que sa mère se soit suicidée. Avec une brioche un peu trop affichée, des cheveux trop longs pour son âge et trop courts pour faire soixante-huitard sénile, une démarche presque rampante, les mains dans les poches comme un adolescent à problèmes, un air méprisant sous des yeux souriants : tout est là pour nous faire comprendre la souffrance profonde de cet homme qui semble avoir connu le tragique de l’existence dès la sortie du ventre de sa mère. Tout est là pour inspirer une antipathie profonde. Il revoit son fils, il renoue avec lui mais le poids de sa souffrance est telle que tous ses mouvements sont voués à l’échec (mais est-ce que cet homme cherche autre chose que l’échec ?). Le jeu de Léaud est parfait, si parfait que, comme dans La nuit américaine, on a l’impression qu’il ne joue pas comme un acteur mais qu’il joue comme quelqu’un qui joue dans la vie de tous les jours, pour qui la vie est une immense scène. Il a ses idées sur la porno que les jeunes qui l’entourent ne partagent pas. On voit cela dans la scène porno où il perd le contrôle et les jeunes réalisent un échantillon de porno très classique. C’est dans sa confession à l’étudiante-étourdie qu’il confessera le fond de sa pensée très correcte et sans plis où il défend les filles qui préfèrent faire de l’argent en tournant des scènes hard au lieu d’être secrétaires. Rien à dire. Rien à dire surtout quand il dit que dans les films pornos il y a toujours quelques secondes très belles parce que l’humanité trouve toujours un moyen de s’afficher. Il suffit d’avoir fréquenté les cinémas pornos pour savoir comme il dit vrai. Il suffit aussi d’aimer le cinéma pour savoir comment dans le cinéma « normal » les producteurs, les réalisateurs, les acteurs, toute la bande qui ne bande, peut créer des films où toute beauté a disparu (qu’il suffise de penser à Intimité de Chéreau) sous le poids de la prétention et du vide de soi.

 

Le pornographe, contrairement aux films pornos, de belles scènes il en a beaucoup. C’est un film qui se tient (ce qui n’est pas peu) avec un défaut principal : le réalisateur en met trop, il y aurait matière pour trois ou quatre films. On a l’impression qu’il se sent tellement plein de chose à dire qu’il ne peut pas, quitte à les approfondir, les faire passer en un clin d’œil. Toute l’histoire du silence aurait mérité un traitement en soi, comme le rapport de Léaud aux femmes, comme le rapport au fils, comme la porno… plusieurs films en un, ce qui n’est pas nécessairement un mal vu les prix du cinéma. Une dernière note à propos des scènes hard qu’il a introduites : si celle avec les cow-boys est un exemple rafraîchissant du niveau de xxx qu’on peut atteindre quand on veut montrer du cul, et si la scène de chasse à courre est un bel hommage à Borowitz, la longue scène qui termine avec une fellatio est sans doute trop longue. « Sans doute », car si je l’avais vue seul je l’aurais sans doute trouvée moins longue.