King

King est un chien, un chien qui parle. Ou peut-être un homme qui se prend pour un chien, à qui l’on a fait perdre l’idée d’être un homme. Peut-être. King vit avec des clochards, des sdf, des sans-abri, dans ce qui pourrait être une décharge, près d’une autoroute. King est le narrateur de King, un roman dont le sous-titre aurait pu être : scènes de la vie de la rue et de la misère noire. Scènes d’une vie riche de la misère noire. Jusqu’à l’extermination par les bulldozers. Un roman haletant comme le souffle du chien qui a couru, halluciné comme nos regards de drogués du confort, apocalyptique comme l’implosion qui nous guette. 

À signaler, la correspondance de King avec la correspondance de I Send you This Cadmium Red…, qui fait chatoyer les couleurs de la vie au milieu du désastre :

Le rouge est la couleur du sacrifice, m’a déclaré un jour Vico.

Ah oui ?

Dans la couleur rouge, il y a à la fois la douleur et le triomphe — sans oublier le sang.

Le sang n’est pas une couleur, j’ai grommelé, c’est une saveur.

Certains rouges tuent, d’autres apaisent, a-t-il continué, il y a les rouges de l’abattoir, et ceux du géranium.

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Les géraniums sentent l’argenterie mouillée, non ? je dis pour le taquiner ; va les renifler dans leurs grands cercueils de ciment, près des feux rouges, pour voir !

Ce sont les méditations de Vico.

Le désespoir de Vica :

Au coucher du soleil, la forêt noircissait : ce n’est pas tant de couleur noire qu’elle s’emplissait, mais du mystère, de l’hospitalité du noir. La noirceur d’un manteau noir, d’une chevelure noire, d’un ventre qu’on touche pour la première fois.

Même quand elle n’est pas avec moi, j’entends la voix de Vica — ça m’arrive souvent.

Tais-toi, King, susurre-t-elle, tu ne sais pas de quoi tu parles !

Je parle de sexe.

Dans la rue, il n’y a que du viol, dit-elle, rien d’autre.

Et le regard de King sur Vica morte :

Toi, Vica, toi ma chérie, tu étais bleue comme la prière.

Il n’y a plus personne.