On devrait le mettre parmi les lectures obligatoires dans les écoles secondaires, dans les églises, dans les mosquées, dans les synagogues, dans les temples de n’importe quel ordre et de n’importe quel type, dans les programmes de théologie et de morale, dans les salles d’attente des dentistes et des bureaux des passeports. Un récit léger — certainement trop aux dires d’aucuns — qui met en scène trois protagonistes du XVIe siècle : Érasme, Luther et Faust. Dans la nuit du 10 au 11 août 1521, ils se rencontrent à Anderlecht. Il y a d’abord un dialogue entre l’auteur de l’Éloge de la folie et son ami Faust sur Dieu, sur le Livre, sur la vérité, sur  l’amour et sur le fanatisme. Les positions de Faust sont les positions classiques d’un athée qui ne ressent aucun besoin d’un père protecteur et qui pense que les hommes doivent trouver les moyens de vivre ensemble sans s’appuyer sur une force divine ; celles d’Érasme sont les positions bien connues d’un humaniste croyant qui a surtout en horreur la violence. Faust, à un Érasme qui oppose l’appel à la paix du nouveau testament aux cris de guerre du Vieux : « Ta foi en Christ ne l’empêchera pas [la violence]. Tu sais comme moi que l’Évangile lui aussi est rouge de sang et ivre de colère sacrée ». Puis Luther arrive, « Ses yeux étaient terribles, pénétrants et (…) habités d’une vie satanique ». C’est le narrateur, l’assistant d’Érasme, qui décrit Luther, bien conscient que le « satanique » était dû à la conversation de Faust. Luther présente à Érasme la célèbre page de garde du pamphlet de Martin Seeger et Hans Füssli Deux paysans suisses l’ont fait, où Érasme et Luther préparent des pains (représentés par des bibles) pour le pape. Érasme s’offusque d’être représenté comme hérétique à côté de Luther et s’engage dans un dialogue de sourds avec le grand réformateur : « Serais-tu le seul à tout connaître, Luther ? (…) Comment la parole de Dieu pourrait-elle s’exprimer avec tant de haine ? » et Luther, avec sa délicatesse habituelle : « (…) il y a plus de vérité dans l’étron d’une truie que dans tous tes livres. »

 

L’échange est interrompu par l’arrivée de quatre soldats du pape qui sont immédiatement tués par le chevalier qui accompagne Luther. Le récit termine avec un commentaire du narrateur : « J’ai vu ces quatre meurtres perpétrés au nom du Christ. Puis, dans les années qui ont suivi, j’ai assisté à des centaines d’autres crimes, tous commis pour la gloire d’un invisible Créateur aux desseins trop obscurs (…). »

 

Ce fût la guerre des paysans, et celle des trente ans. Ce sont les Talibans. Ce sont les intégristes Juifs, Chrétiens, Musulmans, Hindous… C’est Tony Blair et l’armée des intégristes de la nouvelle éthique occidentale.

 

Ce sont les Talibans avec le génocide des femmes. Ce sont les Talibans, encore.

 

Le Tellier Hervé, L’orage d’août, La lettre volée.