La grâce. Personne ne sait quand elle arrive et le moment du départ ne dépend que de ses caprices. Elle se pose, s’envole, se repose… Seule la nouveauté des lieux la garde en vie, légère. Il est vain de la retenir quand elle pense qu’elle a assez donné. Quand elle juge que c’est assez, elle se métamorphose en son contraire, se referme, devient lourde, pataude.

Rien de plus pathétique, si elle vous a touché, que de l’emprisonner dans les idées qu’elle fit naître : elle vous ridiculisera sans retenue, vous laissera avec des formules moisies, oublieuses de la magie initiale.

Philippe Delerm ne l’a pas compris.

Inutilement, pathétiquement, il a essayé de retrouver la grâce de La première gorgée de bière avec La sieste assassinée[1]. Il aurait mieux fait de poser sa main. L’artificiel, le gratuit, le « regarde comme je suis brillant » suintent de chaque paragraphe. Les mots, lourdes poutres inutiles, soutiennent des mots prétentieux où le lecteur têtu cherche en vain une ouverture au plaisir.

Rien à faire, la grâce n’est pas revenue.

 



[1] Philippe Delerm, La sieste assassinée, L’Arpenteur, 2001.