Le trou de la vie. Une petite famille de souris (petite pour des souris). Ils sont sept : le papa — un papa bien normal —, la maman — une maman bien normale, et donc plus préoccupée que le papa pour ses enfants —, le fils aîné — un fils bien normal —, la fille cadette —  une fille bien normale, et donc un peu plus sensible que le frère, papi et mamie et un bébé. Une famille qui a une vie bien normale, qui s’aime normalement : la famille telle que perçue par de petits enfants. En effet, je dois dire qu’elle n’est pas tout à fait normale, car elle est une famille qui vit dans un livre… « Quoi de plus normal que cela ? diriez-vous. La famille normale existe pratiquement seulement dans les livres pour enfants ! » Laissez-moi finir. C’est le livre qui n’est pas normal et donc une famille qui vit dans un livre non normal ne peut pas être normale. Le livre n’est pas normal car il a un trou. « autrement dit deux trous quand il était ouvert, ce qui faisait entre eux un fameux courant d’air ». Ben… ouais… un livre avec un trou n’est peut-être pas normal, mais il n’est pas particulièrement spécial non plus. Et si je vous disais que ce trou permet à la famille de sortir du livre et d’entrer dans la réalité ? Si vous êtes difficiles (ou emmerdeurs) vous me direz maintenant qu’il n’y a rien là, que même sans parler de ce dépravé de Woody Allen qui a fait sortir un personnage d’un de ses films, toute la littérature est pleine de va et vient entre la réalité et les livres. Oui, mais ce n’est jamais aussi explicite que dans ce livre où on voit les souris entrer et sortir du livre. On les voit vraiment. On les voit vraiment car le livre est un livre avec des images. Et si vraiment vous voulez que je vous gâche la surprise, je peux vous dire qu’il y a plus que cela. À un certain moment, par exemple, un chat gros et méchant entre dans le livre en passant par le trou de la page 56. Que faire ? Fuir ? Mais où ? on est dans un livre et il n’y a pas de cachettes ! Papi a une idée géniale ! Il décide qu’il faut l’effacer et pas au sens figuré mais dans le vrai sens : avec des gommes à effacer — on est dans un livre oui ou non ?

 

Il y a d’autres surprises encore. Mais pas dans la fin. La fin est une fin normale comme dans toutes les fables : tous s’aiment et vivent heureux. Même le chat vit heureux avec le chien que papi a dessiné pour le chasser. Ce livre, vous devriez l’acheter pour vos enfants ou les enfants de vos amis ou les enfants des enfants de vos amis mais n’oubliez pas d’inclure parmi les enfants les intellectuels de tout âge qui ont des difficultés à sortir des livres. Pratiquement tous vos amis intellectuels, n’est-ce pas ? (Héron Domitille et Jean-Olivier, Le livre qui avait un trou, Acte Sud, 2000.) P.F. 8.