Il faut contextualiser cette critique passablement négative pour qu'elle ne soit pas considérée comme la simple charge d'une brigade d'infantilisme commandé par un adolescent boutonneux ((sacré Virginia ! à cause de toi j'aurai toujours ce « boutonneux » qui hante « adolescent »)).


J'ai lu Gain de Richard Power (Picador, 2009) sur conseil d'une amie qui m'avait fait découvrir D. F. Wallace. Imaginez-vous mes attentes après Infinite Jest ! Imaginez-vous ma déception ! Un sherpa népalais aurait ma même déception si on l'invitait à « escalader » les collines des Laurentides. Ce n'est pas que les Laurentides ne soient pas « belles », elles le sont mais... mais la chaîne de l'Himalaya est autre chose.

Oui, et alors ? On ne compare pas les tigres avec les acariens !

En théorie non, mais en pratique... lorsqu'on vit quelque part (ou on vit quelque chose) il y a des éléments qui se rivent à notre charpente et desquels on ne se défait que par un travail mortel d'abstraction... par un éloignement de nos sensations et de nos sentiments

On ne fait pas une critique avec des sensations, mon cher, on la fait avec la raison... si j'étais pédante, comme tu peux l'être, je dirais que sans la raison non seulement il n'y a pas de critique. mais il n'y a pas d'art non plus; à moins d'être un adepte attardé de l'idée romantique du génie dont le feu intérieur forge l'œuvre qui va éclairer le monde.

Loin de moi tout romantisme de pacotille, tout feu intérieur ((mis à part celui de mon foyer)) mais, si la raison ne schoutrumfe pas les sentiments il n'y a pas d'œuvre d'art possible, ma chère.

Éventuellement c'est lE sentiment qui schoutrumfe lA raison, mon ami.

C'était mais, ce n'est plus, ma schoutrumfette...

Pas de paternalismes!

― … mon amie. Pour terminer notre échange laisse-moi donner un dernier coup de massue : seuls les autruches qui ne sortent jamais la tête de leur âme ensablée ne comparent pas.

Un coup de massue dans la bouillie, mon cher.

Revenons à nos montagnes.

Dans Gain la vie de famille de Laura, une agente immobilière atteinte d'un cancer qui lui enlèvera au moins trente ans de vie, se glisse dans l'histoire, très américaine d'une famille qui, en deux siècles, atteint les sommets de la richesse. La structure du roman est bâtie sur une alternance de privé et public : un chapitre pour Laura et sa famille, un pour la famille Grave et son entreprise et ainsi de suite pendant 500 pages. Laura habite à Lacewood, la ville qui vit pour/par les activités des Grave. Les chapitres, tout étant séparés du point de vue structurel, ne sont pas étanches. Surtout dans le sens du public vers privé où, par exemple, le cancer passe sans peine.

Une bonne idée, balzacienne : un retour au fondement du roman classique : une famille comme lentille grossissante pour étudier deux siècles de capitalisme américain. Le résultat laisse à désirer (je le répète : si on vient de visiter de très hauts plateaux) car on a plutôt l'impression de lire un bon reportage, farci de lieu communs ― comme tout bon reportage.


Sine infamia, sine laude, même s'il a reçu il James Fenimore Cooper Prize pour le meilleur roman historique 1997-1998