J’ose traduire. Soixante-dix poèmes de Jan Erik Vold traduits par Jacques Outin[1], dont vingt bilingues. Le premier, des bilingues :

 

ET LYS

 

Til henne det hviler

et lys

 

 

over : Jeg ville bare ha sagt

at et lys

 

 

hviler over deg. Får jeg kalle det

Omegas lys ?

UNE LUMIÈRE

 

À celle sur qui repose

une

 

 

lumière : je voulais seulement avoir dit

qu’une lumière

 

 

repose sur toi. Puis-je l’appeler

la lumière d’Oméga

 

Je ne connais pas le norvégien, mais si les agencements des vides et des pleins sont, en poésie, au service de la musique alors cette traduction est mauvaise. Très mauvaise. Chaque couple de vers norvégiens se termine surune courte lumière (lys) qui se rallonge d’un couplet à l’autre. Les vers français cachent la longue lys (lumière) et une fois c’est « une », une autre « lumière » et un troisième « Oméga » qui terminent les couplets.

 

C’est vrai qu’on ne traduit pas la musique. C’est vrai aussi qu’on ne traduit pas la peinture. Mais alors, pourquoi, quand on n’a pas de courage, ne pas traduire seulement les paroles : À celle sur qui repose une lumière : je voulais seulement avoir dit qu’une lumière repose sur toi. Puis-je l’appeler la lumière d’Oméga ?

 

Vu qu’il n’a pas osé, moi, qui ne connais pas le norvégien, j’ose :

 

LE JOUR

 

À celle sur qui paisible

le jour

 

repose : j’aurais aimé dire

que le jour

 

repose en toi. Puis-je l’élire

ultime jour?

 

 



[1] Jan Erik Vold, La Norvège est plus petite qu’on pense, Le Castor Astral, 1991.