Si le terme « homicide » en tant que « celui qui tue » ne m’a jamais trop dérangée, « homicide » dans le sens d’« assassinat » m’a toujours fait un effet fort désagréable, quant il s’applique aux femmes. Une femme, pour moi, ne peut être « homicidée » même si elle peut « homicider ». Quand une femme est tuée, elle l’est pratiquement toujours parce qu’elle est une femme, parce qu’elle fait peur en tant que femme. Un homme, par contre, est souvent tué parce qu’il fait partie d’un gang, parce qu’il est dans une armée… Dans Pornocratie[1], on a un bel exemple d’homicide qui n’en est pas un, d’un gynécide — la trop grande assonance de ce néologisme avec génocide, ne me dérange pas. Au contraire.

 

Pornocratie est un livre dont le dénouement supporte la réflexion avec un naturel très difficile à trouver dans les récits courts, surtout dans les récits contemporains qui, trop souvent, excèdent dans la description de l’action pour l’action ou, au contraire, dans un philosopher ou dans un « psychologiser » de manuel de lycée. C’est surtout pour cela que je l’ai aimé. Je l’ai aimé comme on aime un bon livre mais, contrairement à Ematze, je ne crierais pas au chef-d’œuvre parce a écrit : « La vision, ni le toucher, ni l’investissement des chairs génitales de que le fait que la réflexion épouse les événements n’implique pas qu’elle soit toujours intéressante.

 

Parfois Breillat pèche par intellectualisme et tout intellectualisme finit toujours par se confondre avec la sottise ; comme lorsqu’elle écrit que « Car toute attente est par définition toujours déçue. » L’attente est déçue, par définition, seulement si on confond « attente » en tant qu’attente avec ce qu’on attend. Et quand elle écrit « Ce qui est n’est pas. » Est-elle en train de singer Lacan ou écrit-elle une phrase gratuite, par la simple fascination de la difficulté, de la contradiction ? Il est vrai que ce constat « philosophique » vient après qu’elle la femme n’est rien. ». Mais qu’est-ce que ça veut dire que tout ce qu’on fait de (avec) la chair qui génère n’est rien ? Rien, rien ? Ou rien par rapport à quelque chose d’immense ? Un rien fruit d’un mysticisme de la chair et du sexe, un rien qui est la porte du tout ? On pourrait tout dire et le contraire de tout, en partant de cette phrase. On devrait, sans doute ne rien dire et laisser travailler la suggestion. Mais je crois que là, l’auteur est tombé dans le piège que les formules bien confectionnées tendent aux poissons qui pensent penser.

 

« C’est la profondeur de cette obscénité, cette profondeur féminine, infinie et putride que vous envie les garçons qui ne vous aiment pas et que haïssent ceux qui vous aiment. » Quelle femme n’a-t-elle pas ressenti cela des centaines de fois dans sa vie ? Combien de femmes ont-elles sauté au-delà de la barrière et on dit bye-bye aux hommes, parce que, pour elles, « la profondeur de cette obscénité, cette profondeur féminine, infinie » n’avait rien de putride, mais elle était une chambre, une chambre de décompression de la souffrance, une chambre ouverte sur le monde, la chambre du monde. N’est-ce pas pour cela que les femmes qui s’aiment entre elles ne sont pas dans un simple jeu de miroir comme les hommes ? N’est-ce pas cette « profondeur féminine » qui garde les femmes avec les pieds par terre et le regard ouvert sur autrui même quand elles dansent dans le superficiel ? N’est-ce pas elle qui les empêche de suivre Narcisse même quand elles décident d’ignorer le toucher de cette partie de l’humanité qui semblait né pour les aimer ?

« Car le sexe de la femme est bien plus grand que celui de l’homme », et cela ça leur fait peur, et, leur peur, ils la font toujours payer cher. « Ce sera chair », dit l’homme au début. Ce sera chair, très chair, trop cher.

 



[1] Et… trois. Au Trempet on n’a pas peur d’en rajouter. À moins qu’il ne s’agisse pas d’une sensibilité commune. Que le Trempet ne soit pas une communauté, au sens fort du terme : « groupe social dont les membres vivent ensemble, possèdent des biens communs, ont des intérêts, un but commun ».