15 mai 2000. Jospin : « Parce que la régulation par les
autorités publiques et l’autorégulation par les acteurs privés se complètent,
l’internet relève nécessairement d’une "corégulation". Loin de
se substituer à l’action régulatrice de la puissance publique, l’autorégulation
en relaie les effets. » Bravo.
En parler avec
admiration après la vingtaine, c’est un acte d’imbécillité (que Sollers
m’excuse, mais ça lui arrive d’être imbécile). Ils font semblant d’avoir
compris qu’il avait tout compris pour continuer à croire qu’ils ont compris ce
qu’il n’avait pas compris — autrement comment pourraient-ils continuer à
écrire ? Pour choisir le silence il faut avoir dit. Pour continuer à parler
il faut ne pas avoir dit. Ils ne savent pas de quoi il parlent, ce qui est
normal, pour tous ; mais, eux, ils veulent nous faire croire qu’ils
savent. Est-ce qu’ils savent pourquoi en 1874 à Altdorf il ne troqua pas ses
semelles de vent pour de gros souliers de montagne ? Savent-ils s’il eut
l’illumination de manger une fondue ? Non. Ils ne le savent pas. Moi, qui
ne suis pas un autre, je le sais et je ne le dis pas. Artpur Rimbeau, ciao.
16 mai 2000. Il y a une trentaine d’années, dans une salle renaissance
au festival de Spoleto, L. Ferlinghetti, poète de la beat generation
d’origine italienne et américain par force — I presume —,voit suddendly
un poète d’origine américaine, italien par élection — credo —, Erza
Pound. La statue d’un mandarin perdue dans une abstraction éternelle. « Il
agrippa les bras du fauteuil avec ses mains osseuses et tâcha de se lever. Il
ne put pas, il essaya encore et il ne put pas. Sa vieille amie ne chercha point
de l’aider. Elle lui mit enfin une poème entre les mains, et après une longue
minute sa voix sortit. Sa mâchoire se baissa, et ensuite sa voix sortit,
inaudible. » Inaudible, la vieille voix d’un vieil homme, d’un fort poète
qui put penser une histoire de l’humanité au delà des étroitesses des peuples.
Il opta pour Benito, c’est vrai. Et alors ? Avez vous-lu les Cantos ?
Non, et alors ?
1908. Il a vingt-trois
ans. À son âge Rimbaud était déjà muet, c’est vrai, mais Rimbaud n’était pas né
de l’autre côté de l’Atlantique. Et puis pourquoi toujours lui, quand on parle
de poètes non insipides ? Donc, il avait vingt-trois ans, l’âge où on
tâche de se lever :
En vain
j’ai lutté
Pour
convaincre mon cœur à se plier;
En vain
je lui ai dit :
« Il
y a bien de bardes (singers) plus grands que toi. »
Il se leva et il resta
debout. Toujours. Ce qui n’est pas une courte qualité.
17 mai 2000. « Au primaire comme au secondaire, il s’agit de
préciser les obstacles à lever sur le chemin de la réussite ». Ils
devraient arrêter de manger des pamplemousses, les chargés de la réussite
(ministres, sous-ministres, fonctionnaires, enseignants, journalistes,
pédagogues et parents). Ils mangent trop de pamplemousses. Vous avez déjà vous
un pamplemousse ? Dans doute. Et ne trouvez-vous pas que ces gens-là ont
l’air de pamplemousses ? S’ils n’avaient pas l’air de pamplemousses ils
sauraient que sur le chemin de la réussite il ne faut pas enlever les obstacles
mais en mettre. Ce qui est pamplemoussienement certain c’est que si un
pamplemousse avait la chance de lire ces lignes, en bon pamplemousse, dirait :
« Certes, mais il faut choisir les bons obstacles. » C’est ça
les pamplemousses. Ils ont toujours besoin d’un « bon ». Ça les
rassure. Il sont vraiment des bons pamplemousses.
18 mai 2000. Cette histoire de l’école obligatoire jusqu’à seize ans me
fait chier. Et pas tellement parce que ce sont les petits ignorants qui la
défendent, mais parce que les petits ignorants ce croient des grands cultivés
et risquent de gagner. Ils sont tellement sûrs d’être sur la bonne voie
que quand leurs petits ne réussissent pas à l’école ils ne comprennent plus
rien et alors, comme il se doit, ils vont chez le psy. « Comment les psy peuvent aider nos enfants », titre Le Nouvel
Obs. À noter la finesse du lettrage : il n’ont pas mis en gros
caractères les et peuvent ! Ils sont géniaux.
Ce n’est plus pour des problèmes de pipi ou caca que les parents vont voir les
psy, c’est pour la réussite scolaire, qu’ils nous disent. Ce que les
pamplemousses du Nouvel Obs, ne disent pas c’est que c’est pour la
réussite scolaire de leurs mômes et pour leur
caca
qu’ils y vont.
Cinq bons conseils pour clore le
dossier. Le premier, est si mauvais, qu’il doit être bon
pour des bons parents : « Ne rien faire sans avoir vu
le pédiatre ou l’enseignant, Remettre se dernier dans un rôle de parent peut
faciliter le dialogue. »
19 mai 2000. Samedi, les navires de guerre de la Royal Navy
dépêchés en Sierra Leone sont arrivés au large de Freetown. La flotte de la Royal
Navy compte notamment le porte-aéronefs HMS Illustrious qui emporte
huit avions à décollage vertical Harrier et le porte-hélicoptères HMS Ocean
qui dispose d’appareils Seaking, Lynx et Gazelle.
« Enveloppé dans l’Union Jack
qu’il servit si bien, le corps du colonel. T.E. Lawrence a été transporté ce
matin au petit salon mortuaire au toit d’argile attenant l’hôpital au camp de
Bovington dans le Dorset, où l’organisateur de la grande « Révolte du
désert » été mort quelques heures auparavant (...) Seulement ses parents et ses amis intimes seront
invités [aux funérailles], mais il y aura aussi une messe commémorative à
Londres où les grandes figures de l’empire... » Great
figures of the empire. C’était le 19 mai, mais du 1935.
« Le colonel Spartenfacken, un des derniers héros de Tempête du désert contre l’Iraq est
mort de cancer de la prostate (...) une cérémonie commémorative aura lieu à
New-York où les grandes figures de la nation... » Great
figures of the Nation. Ça pourrait être en 2000. Les
journalistes, couards devant l’impérialisme des nuances, n’ont même plus la
goujaterie de choisir le mot juste.
T. Negri et M. Hardt,
dans leur réflexion sur le monde n’ont pas ce genre de peur. Ils appellent
empire un empire : « On veut mettre en évidence qu’on emploie le mot
« Empire » non comme une métaphore (...) L’empire qui nous fait face
a en réserve une puissance destructrice et d’oppression énorme, mais cela ne
doit pas nous rendre nostalgiques des vieilles formes de dominations ».
Des États-nations, pour appeler merde une merde.
20 mai 2000. Le monde, à propos de la publicité sur les journaux de mode où des
chiens suggèrent et des filles feignent, obtient une explication claire d’un
type du CEAQ (Centre d’études de l’actuel et du quotidien) : « Ces
pubs sont des indices, de petits événements marginaux qui disent en majeur ce
qui ce passe dans le corps social en mineur » et une explication encore
plus claire de la directrice de la maison de la pub : « C’est la
lesbienne chic ». Finalement du progrès. La paranoïa est causée par une
homosexualité refoulée selon Freud (Je l’aime — peur de la réprobation sociale
—, je le hais — ça ne suffit pas —, il me hait) Une nouvelle
théorie, fondée sur les belles images des magazines féminins, est certainement
déjà en cours de formation dans un institut universitaire : je m’aime,
elle m’aime, nous nous aimons. Ou lou lou !
Quand on parle de pub il
y a toujours un mépris en filigrane. C’est le mépris que les intellectuels ont
toujours eu pour l’art quand il n’est pas gratuit et sans fins (comme leurs
pensées). Le mépris les empêche, par exemple, de voir qu’aujourd’hui l’art
c’est la pub. Ils ne savent pas condidérer Vogue comme un musée
vivant : c’est dommage. Michelangelo fait vendre Dieu, Toscani des
chandails et Ungaro des souliers. L’Ève de Michelangelo est musclée comme un
des garçons de son atelier. Le chien d’Ungaro montre « l’harmonie entre le
genre humain et le genre animal ». L’art est dans le monde, vit dans le
monde, selon certains c’est le monde — ce qui est trop et donc pas assez.
Sexe, beauté et rire au
débuts de notre ère : « Aussitôt il prépare avec sa lime de minces
chaînes de bronze, des filets et des lacets imperceptibles à l’œil, qui ne le
cèdent ni aux fils les plus fins, ni aux toiles que l’araignée suspend aux
poutres dans les hauteurs ; il fait en sort qu’ils obéissent au plus léger
contact, au moindre mouvement ; il entoure le lit et les dispose
adroitement. À peine l’épouse et le dieu adultère se sont-ils réunis dans la
même couche que, grâce à l’habilité de l’époux, pris tous les deux dans les
liens de cette invention nouvelle, ils sont immobilisés au milieu de leur
embrassements. Aussitôt l’artisan de Lemnos ouvre les portes d’ivoire et fait
entrer les dieux : les amants sont restés étendus, enchaînés, tout
honteux : parmi les dieux, qui n’étaient point tristes, il y en a eu qui
souhaita la même honte au même prix ; les immortels se mirent à rire et
pendant longtemps ce fut un sujet d’entretien favori dans tous les espaces
célestes. » (Ovide)
21 mai 2000. T. Blair, le politicien au visage humain, a finalement réussi
à battre un record. C’est le premier premier ministre anglais qui, depuis 152
ans, a un fils lors qui est le chef du gouvernement. Maintenant qu’il doit
« changer les couches au milieu de la nuit », il aura moins de temps
pour prêcher de nouvelles guerres. Mais il le fera sans doute avec plus de
détermination s’il veut préparer un monde libre et juste pour le petit Leo (Le
nom Leo n’a pas été donné en l’honneur de l’expédition britannique en Sierra
Leone, mais en l’honneur du grand-père. Voyons, Blair n’est pas Tatcher !)
« Mumia Abu-Jamal
doit être exécuté » affirme la femme du policier tué à Philadelphie en
1981. Aucun respect pour la femme du policier. Aucun compréhension. Un profond
respect pour Mumia Abu-Jamal, même s’il a tué le policier. De la compréhension
aussi. Les tenants de la peine de mort devraient se demandent pourquoi Bush
n’est pas accusé d’homicide. Ce Bush qui veut changer la loi sur l’avortement
et qui a signé la condamnation à mort de plus que cent-vingt personnes.
Trois cent mille Hutus
depuis septembre ont été envoyés dans des camps autour de Bujumbura la capital
du Burundi. Camp de concentration ou de mort, comme vous voulez.
Plus loin, au Vietnam,
la mère de Kim-Vân-Kiêu à sa fille en pleurs : « Qu’est-ce qui
t’agite ainsi dans la nuit solitaire, tendre fleur de poirier toute trempée de
pluie »