30 avril 2001 Dictionnaire
Le Robert (édition de
2050).
talibanisation
[talibanizasjö]
n. f. (1999) Action de talibanniser. Son résultat.
talibanniser
[talibanizé] v.
tr. (Talibaniser) – Rendre la vie
inhumaine, surtout aux femmes. Le
gouvernement Bush III talibannisa la majorité hispanophone en 2020. – u Rel. Obliger à lire le Coran trois
fois par jour après avoir brutalisé une femme (généralement la sienne).– u Psy. Inculquer à quelqu’un un
sentiment de dépendance extrême. Il
talibannisa sa femme et ses parents. Talibanniser en catimini. – u Arg. v. intr. Éjaculer sans
érection. Elle ne s’attendait pas à ce
qu’il talibannisât si vite. - Prov. Qui
talibannise, la mort vise. u Étym.
: XXe;
du mouvement religieux taliban au pouvoir en Afghanistan à la fin du XXe.
u
Syn. : écraser ; humilier ; tuer ;
diminuer. u ant. : aimer ; considérer ;
bander comme un rat. u Dér. : Talibanisation. Talimerde. u Cit. : 1°
« Qui aurait pensé qu’il
talibanniserait avec un tel enthousiasme un des États les plus modernes de la
planète ! » (H. Woodrot, Politique et religion). 2° « Après avoir talibannisé il se sentait si lourd qu’il aurait pu écraser
un enfant sans le moindre remords. » (H. Al-el-al, De la vérité et de la mort). 3° « Depuis des années il attendait que Madeleine ose sortir sans sa
permission pour lui crier à la figure qu’elle avait été moins talibannisée
qu’elle ne le laissait entendre à son fils. » (V. Dassosa, Un
fils n’est pas tout). 4°
« Elle appuya ses lèvres sur ce ver sans vie qui talibanisa sans se lever. »
(A. Demonc, De la rigidité).
talimerde
[talimeRde] n.
m. – 1° Matière fécale humaine noire
à l’odeur infecte (produite surtout par les intestins religieux et par les
cerveaux vides). – 2° Homme mesquin et hargneux (se dit rarement des femmes).
Premier mai 2001 Généralisation. Toute généralisation est fausse[1]. Surtout celles qui sont le fruit d’une longue réflexion et qui se targuent de n’avoir rien de hâtif ou d’imprudent. Elles sont fausses car elles prétendent à une vérité abstraite inexistante. Ce n’est pas un hasard si l’idée de Dieu des religions monothéistes est l’idée la plus fausse et mortifère inventée par les humains. Nous nous accommodons à l’idée que les généralisations sont vraies à cause de leur efficacité et parce qu’elles sont essentielles pour saisir le monde (et Dieu, qui a déjà très bien servi à cela, commence à céder sa place à la technique qui sera sans doute moins nocive). Aujourd’hui elles sont encore plus nécessaires car elles sont le pain quotidien que science, technique et humanité s’échangent. Il y a, bien sûr, des généralisations meilleures que d’autres : ce sont celles qui passent par la littérature, celles qui se vantent de leur subjectivité et qui admettent de tirer leur force de leur partialité. Celles qui reflètent un point de vie. Balzac est philosophe non pas parce qu’il a étudié la philosophie ou parce qu’il a une vision du monde mais parce qu’il a créé des types qui, loin d’être des abstractions, font des généralisations dont la fausseté contribue à la création d’une vérité, dans la tête du lecteur. C’est à cause de leur fausseté qu’affirmer que les généralisations ne disent rien sur les objets à partir desquels elles sont créées, et que par contre elles sont des indications claires sur la psychologie ou sur l’histoire de l’individu qui les fait, est devenu un lieu commun. Si les généralisations étaient vraies on ne serait que des cailloux polis, abandonnés par le torrent de l’expériences. Il suffit d’observer l’incapacité d’intégrer la réflexion à la vie des intellectuels qui pensent penser parce qu’ils papillonnent dans le champ des abstractions pour comprendre que la généralisation, sage femme des concepts, coupe le cordon ombilical de la vie. Que ce soit l’âme qui différencie les hommes des animaux ou leur capacité de se détacher du monde à l’aide de la conceptualisation, ne change pas grand chose : à un certain moment une espèce parmi les animaux a réussi à avoir du plaisir et du pouvoir en jonglant avec les concepts et à partir de ce jour-là elle ne peut pas ne pas généraliser quitte à retourner parmi nos confrères, les animaux sans parole. Mais, à partir du développement actuel de la science et de sa mère la technique, cette espèce volage peut déléguer à la technique les généralisations efficaces et laisser que les jeux de langage du quotidien et de la littérature ne généralisent que pour montrer la fausseté de toute généralisation. La prise en charge de l’abstraction par la science et la technique permettra, sans doute, à l’humain de s’amuser à plonger dans l’animalité pour se rafraîchir l’esprit et en sortir, éventuellement, quand les chaînes du corps sont trop courtes.
Devinette. Pourquoi est-il si difficile de plaisanter avec légèreté ? Réponse hyperfacile : Pour plaisanter sans être lourd, il faut être en santé. Avez-vous déjà vous quelqu’un avec des plaies, en santé ?
2 mai 2001 Réchauffement. Que notre planète se réchauffe et que les glaciers sont un indice très évident de cela est une vérité notoire. Mais… en me baladant sur Internet à la recherche d’un site qui me confirmât que les femmes, après la glaciation de fin de la vingtaine, se réchauffent dans la trentaine pour atteindre leur point de chaleur maximale au milieu de la quarantaine, je suis tombé sur un site qui héberge un article du glaciologue Robert Vivian[2]: « glaciers et climats : ne faisons pas dire aux glaciers ce qu’ils ne disent pas » où ce professeur de l’Université de Grenoble, mesures à la main, nous montre que ce n’est pas vrai que les glaciers reculent et que le discours dominant est piloté par des théoriciens et des journalistes que n’ont jamais vu un glacier de leur vie sinon en faisant des excursions touristiques en train. J’étais très content de ce détour car je pus ainsi constater, pour la énième fois, que les hommes donnent trop d’importance à leurs pouvoirs sur les changements terrestre et sur les changements climatiques en particulier. Au lieu de s’intéresser à ce qu’ils ne peuvent pas changer, ils feraient mieux (si on reste sur le terrain du réchauffement) à s’engager à faire reculer la glaciation des femmes.
3 mai 2001 Religion. C’était la première fois que, dans un cours, j’avais des interventions naturelles, sans la moindre once de « voilà comme je suis bonne », sans humilité (vraie ou fausse), toujours avec un sourire clair accompagné d’une touche d’espièglerie quand les yeux passaient du prof aux copains. Dès le premier cours je me demandai d’où venait cet « être à l’aise dans le monde » sans être envahissante, cette extroversion frivole seulement le peu qu’il fallait, cet œil allumé et naïf, prêt à se raffermir dans une interrogation devant le manque d’à propos d’un copain ou l’excès du prof. Je ne voyais qu’une possibilité, une possibilité que je n’aimais pas, pas du tout : qui m’emmerdait carrément. J’essayais des détours : peut-être qu’elle est engagée dans une cause politique (non, trop peu de dureté et des références sociales). Et si elle était tout simplement heureusement mariée avec un enfant ? (non, la lumière de sa peau n’a pas de direction). Quoi d’autre ? Elle est comme ça, parce qu’elle est comme ça. C’est vraiment trop facile ! À un certain moment je ne pus résister : « Es-tu, religieuse? Pratiquante ? ». Elle me répondit que oui. Bien sûr. Qu’elle était très active dans son église… J’étais mal pris. Comment accorder mes idées sur la religion comme le mal des maux, avec cette fille qui trempait dans la religion âme et corps et semblait être la vie à l’état pur ?
Elle arriva à l’examen avec deux minutes de retard :
— Tu es en retard !
— Trois minutes… c’est rien… je n’aime tellement pas rester à l’université que je viens directement de Boucherville. C’est difficile de calculer parfaitement…
— Pourquoi n’aimes-tu pas rester à l’université ?
— Parce que je ne peux pas m’asseoir deux minutes sans qu’un étudiant ne vienne me parler, me demander le numéro de téléphone… et ils insistent… surtout les… je ne veux pas être raciste mais…
— C’est normal. Il suffit de leur faire comprendre.
— Mais, ils ne comprennent pas. Une fille blonde, aux yeux bleus avec des gros seins est une simple proie, pour eux. Surtout si tu souris, si tu parles facilement et si tu portes de jolis chemisiers pas boutonnés jusqu’au cou. Je n’aime pas qu’on m’approche seulement pour... Je préfère être entre des gens avec lesquels je suis à l’aise, avec lesquels je peux être extrovertie et naïve sans qu’on pense
Voilà les deux côtés de la médaille religion aux formes irréelles ! Sa face asile des hypocrites, des contempteurs de femmes, de la peur du corps, des mesquins a une surface de plus de 100 000 000 Km carrés tandis que l’autre face celle de la vitalité pure n’est qu’un cercle d’un centième de millimètre. La grande face contient aussi les hypocrites qui fréquentent son église, et qui un jour la décevront bien plus que les étudiants qui l’importunent à la cafétéria ; la petite contient quelques étincelles, comme elle. À la fin de l’examen, elle me dit qu’elle aimerait être missionnaire. Oui, c’est probablement la seule manière pour ne pas tomber dans les mandibules des fidèles.
4 mai 2001 Yi Yi. Cent quatre-vingt minutes de projection, cent soixante de trop. Un documentaire, pas nécessairement, très bien tourné de vingt minutes aurait été bien plus intéressant pour connaître l’américanisation de Taiwan, pour découvrir les quelques bribes d’une culture chinoise qui nous tranquillise dans notre besoin de reconnaissance de la diversité, pour nous montrer la vie qui rêve dans le corps d’un enfant rempli de volonté. Cent soixante minutes de lieux communs pseudo-philosophiques, d’agencement de séquences trop prévisibles, de prétentions artistiques de première année de cinéma, de sentimentalisme et de kitch pré-hollywoodien, de manque d’assurance dans le rythme… cent soixante minutes qui auraient pu s’empoubeller. Pourquoi donc un tel succès ? L’exotisme ? ou le mépris pour des gens que l'on ne croyait pas capables d’enfiler trois heures d’images ? Je ne sais pas, mais tout cela m’oblige à me demander si l’engouement pour le cinéma italien d’autrefois n’était rien d’autre que le regarde paternaliste sur un monde qui se débattait dans l’arrière garde de la modernité Certes on peut, on doit continuer à faire des films comme Yi Yi, mais qu’on nous casse pas les oreilles avec Hollywood et sa puissance économique et impuissance artistiques. Les librairies sont bien remplies de livres qui ne valent pas les coûts de l’encre, pourquoi pas la même liberté pour le cinéma. Parce que le cinéma coûte plus cher ? Non, la platitude n’a pas de prix.
5 mai 2001. France. Voilà une pamplemousse (c’est ce qu’on m’a dit) qui écrit un très bel article sur un homme politique qui était tout autre que pamplemousse, dans le dernière numéro du magazine qui est en concurrence avec le Monde diplomatique pour le César de la pamplomousserie. « Mitterand ou les mots au pouvoir » est un très bel article de Françoise Giroud qui ne cède pas au charme de la simplification, qui parle du dernier président de la république française avec affection, admiration et critique (ce qui est un exercice qui demande du métier et de l’intelligence ou un rapport spécial à celui qu’on essaye d’encadrer. Je dois admettre que ma première réaction, naturelle et stupide a été de me dire qu’elle a certainement été une de ces maîtresse. Cette réaction a été déclenché parce qu’aujourd’hui est l’anniversaire de la mort d’un autre empereur[3] de France, un autre mec à femmes. Mais les mecs à femmes ont-ils d’autre moyens que de devenir des hommes de pouvoir pour atteindre leurs belles ?) Giroud écrit que Mendès France disait de lui « Il est meilleur que moi ». Certainement Mitterrand pensait la même chose mais en même temps il enviait certainement le deuxième nom de Mendès France, il aurait certainement aimé s’appeler Miterrand France ou plus simplement (ce qui pour lui n’était pas nécessairement facile) France. Mais les hommes de pouvoir peuvent-ils ne pas être arrogants ? Il avait « de la mémoire, du style, et une exceptionnelle faculté d’expression », ce qui est normal pour tout homme de pouvoir. « Il n’a jamais été un brave type sympa », on comprend qu’il ne se faisait pas rouler dans la farine. Mais, quelle femme aimerait un homme blanchi ?
Les fleurs. Trois ans avant la mort de Napoléon, jour pour jour, naissait Karl Marx. Les deux hommes avaient bien plus de points en commun qu’on ne le pense ou, si on préfère une vision plus « objectivistes » de l’histoire, on peut dire que les deux hommes étaient parmi les plus belles fleurs que la modernité ait mises à sa boutonnière.
6 mai 2001 Photographie. Agamben cite comme exemple de perte d’expérience le touriste qui, devant un spectacle sublime de la nature, se met à regarder à travers l’objectif de sa caméra. Je crois, au contraire, qu’il s’agit d’un enrichissement de l’expérience. Avant de photographier, il a regardé à l’œil nu et ensuite avec l’objectif il a cherché des angles, éloigné ou approché des détails, changé la profondeur de champs pour mettre en relief un particulier… il a enrichi son regard avec la technique. Il a augmenté son expérience car en s’enfonçant à l’aide d’un œil artificiel dans le présent il a créé les conditions pour revivre une partie de ses expériences chez lui, de les partager avec ses amis (et éventuellement de les ennuyer avec). Il a créé la possibilité de multiplier les expériences, il a enrichi le réel (Ses photos à la différence des cartes postales achetées sur place baignent dans l’expérience comme une œuvre d’art et cela indépendamment de leur valeur artistique). Le touriste qui se repaît de la vision et qui la fixe en mémoire sans le support des photos est fort probablement un intellectuel qui réfléchit sans voir (comme Agamben ?), un rêveur hors du monde ou, plus bêtement, quelqu’un qui ne sait pas se servir d’un œil artificiel.
Il écrit aussi que la perte d’importance des proverbes est un indice de l’appauvrissement de l’expérience. Et si les clichés photographiques avaient pris leur place ?
[1] Il serait enfantin de sortir le paradoxe du menteur à propos de notre généralisation : sa vérité est inscrite en ce qui suit.
[2] http://virtedit.online.fr
[3] Le cinq mai 1821 mourait dans l’île de Sainte Hélène Napoléon, un des plus grands hommes jamais produit par des misérables ovules. Napoléon Bonaparte a incarné, par delà le bien et le mal, un idéal d’homme qui sait mettre au pas l’histoire pendant quelques instants. La considération, l’admiration ou la haine qu’un individu a pour Napoléon est un indice transparent de son style. La considération, l’admiration ou la haine de l’époque sont un indice de la vitalité politique des temps. Seuls ceux qui ignorent l’histoire de l’Europe au XIXe siècle peuvent afficher une certaine indifférence envers Napoléon — ou ceux qui, écrasés dans la bêtise, végètent parmi des végétaux.