26 mars 2001 Éthique. L’autre jour j’ai reçu un courrier
électronique disant à peu près ceci : « Je suis à la recherche d’un
enseignant pour donner une conférence à des étudiants de secondaire IV et V sur
l’éthique et
[Refrain] Éthique à Nicomaque Éthaque Annie comique Éthique a la colique État qui pue l’arnaque Un gugusse archaïque Un peu pharisaïque J’n’ai rien de poétique ? Pas du tout sympathique ? Rien à foutre de l’éthique ? Ch’uis trop bureaucratique ? Tu veux être Cyrénaïque Hais-tu les porcs épiques ? Tu as l’esprit poétique Bien loin des stoïques Des machos héroïques De ceux qui se piquent ? Bien loin du politique De ce misanthropique Monde rempli d’flics Et des gars poléthiques ? |
T’en veux un bien chic Qui ne soit pas cynique Pas de barbe qui pique Tu veux un gars mythique ? Je ne suis pas une bique Un soupçon laconique J’peux être ironique Ou encore sarcastique J’aime l’amour physique et les hommes qui niquent s’ils ont une technique Quand ils forniquent J’aime le platonique Quand y a pas d’panique Quand c’est pas unique Ni trop épidermique Les mecs sardoniques Quand ils sont ethniques Même si un peu lubriques Et pauvres en lexique |
Pour moi pas d’iniques ni de gros pique-nique Près de la Martinique S’il n’y a pas Monique Bête bien drolatique Votre amie Éthique Fort aristocratique Et ploutocratique Souvent soporifique Suis-je trop apathique ? Une sotte pacifique ? Pas assez hostilique ? Grande cénobitique Je vous fais Chieïque Comme une Altaïque Femme dans le Haïk Je peux être lunatique Mouillée d’érotique Assise dans une caïque Pourchasser un loustic [Refrain] |
On m’veut scientifique Cerveau mathématique Les pieds informatiques Gros cul biologique Cloner des moustiques C’est bien sympathique Et pourtant ça pique Les moustiques cloniques. Cloner les épais flics C’est bien satanique Toujours grands iniques Pas de flics cloniques ! Cloner les politiques C’est assez vomique Un peu trop bourrique Ils sont si faméliques [grand final] N’a rien de thermique Elle n’est pas merdique Comme les atomiques [Refrain] |
27 mars 2001 Noms. Je ne suis pas sûr qu’Henriette Rosine Bernard aurait eu le même
succès si elle n’avait pas changé son nom en Sarah Bernhardt.
Glandes. La complaisance est un sentiment auquel je suis indifférent et la mélancolie un gris état d’esprit qui m’attire. Mais le mélange, ça non ! La complaisance du mélancolique m’horripile et, en dépit que j’en aie, elle excite mes glandes salivaires.
Retour au pays.
—
N’aimerais-tu
pas retourner en Italie ?
—
Non.
—
Rien qui
pourrait te faire changer d’avis ?
—
Si, l’introduction de la peine de mort au Canada.
Si. Pour moi, Italien qui essaye de parler français, le « si » (traduction en italien de « oui ») est tellement connoté que je ne l’ai jamais employé en vingt ans avant que je n’écrive l’échange précédent sur la peine de mort. Et alors ?
28 mars 2001 2001. Dans l’habitacle des voitures il y a dix-huit fois plus de benzène qu’à l’extérieur. Quel sera l’impact sur nos enfants qui, toujours plus souvent, vont à l’école en voiture ? C’est la GRANDE question que se posent les journaux. Moi, je ne le sais pas et, à vrai dire, je m’en fous un petit peu. Je sais que beaucoup de parents alarmés crieront comme des putois sadiques contre la méchante technique. Il y a une autre question qui m’intéresse beaucoup plus : pourquoi a-t-on toujours besoin de la peur pour changer quoi que ce soit ? On n’avait pas besoin du benzène pour comprendre que les enfants ont besoin de bouger, que, s’ils allaient à l’école à pied, ils auraient moins « besoin » de Ritalin, ils auraient moins d’allergies, ils seraient plus autonomes, ils regarderaient moins la télé…. J’attends une étude scientifique qui démontre que la protection excessive des enfants quand ils traversent les rues engendre un affaiblissement de l’étrier qui cause plus tard un relâchement du marteau et dans la maturité de très fâcheuses enclumites aiguës[1].
1972. Conseil municipal de Talamona, un village de 4 000 habitants bien éparpillé sur un conoïde dans les Alpes. À l’ordre du jour, le transport des enfants à l’école. Sur vingt conseillers, seulement deux espèces de farfelus pseudo-révolutionnaires s’opposent. Et, pour être contre, ils s’appuient sur des arguments réactionnaires : à mon époque on faisait quatre fois par jour une marche de trente minutes ! Quand mon père était petit, il faisait deux heures de marche pieds nus pour aller à l’école ! On leur fit noter qu’ils résistaient au progrès, que se fatiguer pour aller à pied à l’école n’était pas nécessairement bien … Ils avaient raison, les hommes du progrès. Deux ans après, les autobus scolaires passaient timidement dans les rues étroites du village Ils avaient raison, les deux farfelus quand ils disaient que la fatigue c’était bien pour les enfants, qu’ils avaient bien plus besoin de marcher maintenant que cinquante ans avant. Que faire quand tout le monde a raison ? Laisser tomber la raison ? Passer au jeu ?
1994. Un des deux farfelus, expatrié à Montréal, propose sérieusement qu’on s’engage dans un mouvement pour planter des arbres dans la majorité des rues de Montréal et pour faire passer les autos dans les ruelles. Il faut que l’entrée des maison donne sur des jardins, qu’il dit. Ils le traitent de fou et ils ont raison. Mais il a raison car il est fou. Entre la folie de la raison et la raison de la folie, le choix peut bien difficilement être raisonnable.
29 mars 2001 Révoltée.
Malinowski : « La culture se refuse de se comporter en révoltée
et répugne aux excès. » Il serait plus vrai de dire que la culture définit
comme « excès » ce qui est hors d’elle et quand elle l’intègre, cet
excès perd sa désignation d’« excès » même s’il reste tel quel. Ce
qui est bien normal car « intégrer » ne veut dire rien d’autre
qu’éliminer l’excès.
30 mars 2001 Rire I. Je n’aime pas le rire malin de celui qui se moque de la fable de la Vierge et du Saint-Esprit. Je le trouve vulgaire comme un enfant fier d’avoir si bien singé un adulte.
Rire II. Je n’aime pas le rire ventral de
celui qui, satisfait de sa petitesse, cherche mon appui.
Rire III. J’aime le rire qui rit.
31 mars 2001 Femmes. Elles ont entre soixante-dix et vingt-deux ans. Elles chantent, rient, se moquent. Aidées par le vin, elles ôtent les derniers restes de pesanteur. L’allégresse s’installe sans que la dignité déloge. L’intelligence pétille, les mains dansent dans l’air charmé, les yeux ne cessent de briller. La maison vit.
Premier avril 2001 Variations en Si pour trois jeunes Québécois.
A.
Si j’avais une
baguette de fée
Les trois
j’endormirais.
Si j’avais une
baguette de fée
De mes parents, de mon
aimé
Le temps j’arrêterais.
Si j’avais une
baguette de fée !
Et puis je
partirais :
« Aller simple,
pour la Havane, s’il vous plaît. ».
Estudiar,
bailar, cantar[2]
Y el tiempo devorar.
Deux ans, deux ans et
après
D’un baiser
Les trois je
réveillerais
Pour danser, rire et
chanter
Et le temps arrêter,
De nouveau, d’un
baiser.
* * *
J.
Si elle avait
Quelques saisons de
plus,
Le cheveux roux et
crêpelés,
La peau blanche comme
ses cahiers
Les cuisses d’amours
sans cesse férues
Les yeux de jade
dissolue
Le rire mutin, la
larme zélée
L’esprit coupant dans
la mêlée
Alors…je téléphone
011 33 1 567253
— Je ne suis pas là. Si c’est important appelez à
l’enfer, Toi Esther, appelle chez Isa.
— Salut, comment vas-tu ? Tu sais, notre
voyage… la Grèce et la Turquie… J’ai peur que… je ne peux pas… je ne peux plus…
j’veux dire elle ne veut… non… elle
ne peut pas… tu sais je l’aime… la première fois… elle m’aime aussi… Tu sais…
tous nos projets… la Grèce et la Turquie… j’y ai bien pensé… elle ne peut pas…
Alors moi… Tu vas comprendre…n’est-ce pas ?… Non, je ne viendrai pas…
C’est bien dommage…
C’est bien
dommage ! que puis-je faire
Si elle n’a pas ce
qu’Elle avait ?
—Allô, Yann ? Je pars le treize.
* * *
M.
Si l’autre avait
Un peu plus de tout,
Si l’autre avait
Un peu plus de toi
Tu ne m’aurais jamais
Traînée.
Si je n’avais
La tête en feu
Jamais,
Te lo giuro[3]
Mai
La tête
Baissée
J’aurais