28 Juillet 2003. Tourner en rond. Je suis assez vieux pour avoir côtoyé des gens qui croyaient qu’on doit progresser et que tourner en rond était un pêché capital. Il n’y avait pas d’excuses pour ceux qui continuaient à tourner en rond : même aux plus paresseux et aux plus débiles la nature avait donné la force et la volonté de faire un ou deux pas en avant.

Avec ces idées qui ont très mal vieilli — au moins dans certains milieux —, ces gens seraient très mal à l’aise dans notre monde où tourner en rond ce n’est plus tourner en rond mais une progression circulaire. Ils risqueraient de casser la figure à ceux qui diraient qu’« une progression circulaire est bien plus importante qu’une avancée linéaire » en laissant poindre, sans finesse et avec mépris, derrière leur sourire de circonstance, que le progrès n’est bon que pour les simples d’esprit —pour ceux qui, comme eux, aveuglés par le progrès de la technique, pensent que l’humanité entière avance. Et si on avait ajouté qu’il était impossible de continuer à tourner en rond parce que, comme l’énonce la première (et la seule ?) loi de la psychologie, on trouve toujours un sens à tout, ils auraient répondu, sans trop de détours, qu’il se foutaient des lois de la psychologie et qu’il suffisait de ne pas avoir les yeux dans le cul pour voir qu’il y avait des gens qui tournaient en rond toute leur vie parce que cela faisait leur affaire ; parce qu’ils pouvaient renoncer à regarder autour d’eux et  continuer ainsi à s’exalter devant la beauté de leur nombril.

Les nouvelles idées ne sont sans doute pas fausses (mais est-ce que les vieilles l’étaient ?) et sont certainement plus subtiles et plus nuancées que les vieilles. C’est vrai : il y a tourner en rond et tourner en rond. Qui n’a pas croisé des gens qui font de si nombreux tours et tournent tellement vite que les traces laissées par leurs pieds deviennent leur tombeau ou d’autres qui tournent si légèrement qu’ils ne laissent aucun signe ni dans leur vie ni dans celle des autres ? Mais, nul besoin de considérer ces cas extrêmes[1] : il est notoire que le diamètre du cercle est, parfois,  tellement grand que même les plus malins ne voient pas que, pendant toute leur vie, ils n’ont fait que marcher sur un arc de cercle — la majorité des philosophes et des fous appartiennent à ce genre de tourneurs en rond ; d’autres fois le cercle est tellement petit que le rond dessiné par un chien qui se mord la queue paraît énorme en comparaison — les artistes et les bonnes vieilles mères de famille sont de bons exemples de cette condition que l’on pourrait appeler « de vrille ». Il va sans dire qu’il y a aussi ceux qui avancent sur un cercle en tournant sur eux-mêmes[2] sans se demander s’ils tournent en rond ou s’ils avancent en ligne droite : ce sont les plus nombreux et j’aurais envie de les appeler la majorité silencieuse, si cette expression n’avait pas été ternie par la majorité bavarde.

À bien y penser, c’est notre père le langage qui nous oblige à tourner en rond et ce n’est certainement pas en écrivant un article qu’on avance.

 

29 juillet 2003. L’art de tourner en rond. La réflexion sur l’art est un bon exemple d’un tourner en rond qui dure depuis au moins deux mille quatre cents ans et qui durera tant qu’on parlera d’art. Tant qu’on parlera.

L’art est-il un monde à part où les artistes peuvent tout faire en ne se souciant que du beau ? L’art a-t-il des buts ? Quel est le rapport entre art et morale ? et entre art et politique ? Le génie est-il le propre des artistes ou le partagent-ils avec les chevaux ? L’art progresse-t-il ? L’art primitif est-il un art ? Qu’est-ce que l’esthétique ? La pub peut-elle être art ? et l’art pub ? Et le kitsch ? qu’est-ce que le kitsch ? Y a-t-il un art majeur et un art mineur ? L’État doit-il subventionner l’art ? Quelle est la fonction des musées ? L’art est-il universel ? Et pour finir avec ce qui est le début : qu’est-ce que l’art ?

Combien de gens ont-ils passé une vie à tourner en rond autour de ces questions ? Pas beaucoup. Quelques philosophes, quelques artistes, un certain nombre de piliers de tavernes et quelques mecs comme moi, qui, dès qu’ils entendent une question, halètent[3] de façon obscène.

Après la fin de l’art d’Arthur Danto[4] est un livre qui tourne en rond sur l’art. Mais, quelle aisance ! Quel art philosophique ! Il aborde les thèmes autour desquels, depuis des millénaires, s’agitent, souvent sans même tourner en rond, quelques philosophes, quelques artistes, un certain nombre de piliers de tavernes et quelques mecs comme moi, qui, dès qu’ils entendent une question,  halètent de façon obscène. Ce livre transformerait, même une fille qui n’est jamais sortie de Saskatoon, en une grande grimpeuse

J’ai compris :

que la mort de l’art n’implique pas la fin des œuvres d’art ;

que la Boîte Brillo de Warhol est l’œuvre d’un génie ;

que l’œil innocent n’est pas un œil ou n’est pas innocent ;

qu’un hégélien peut voir l’art comme le voyait Nietzsche;

que l’art est sale comme tout ce qui est dans la vie ;

qu’on peut analyser en détail un esperluette sans tomber dans les facticités derridiennes ;

qu’on ne doit pas nécessairement être pluralistes en tout ;

que les tables rondes n’emmerdent pas seulement l’assistance.

Et quand je dis que j’ai compris, je veux dire que j’ai compris et rien de plus, j’ajoute donc que je suis d’accord avec tout ce que j’ai compris. Ai-je compris seulement ce sur quoi j’étais d’accord ? C’est possible.

 

30 juillet 2003. C’est surtout du théâtre. Dans le chapitre Art dangereux Danto aborde indirectement le thème de la rectitude politique en parlant de la réception d’une pièce antisémite de Fassbinder, L’ordure, la ville et la mort, à Francfort et à New York. Tandis que, dans la ville allemande, les Juifs empêchèrent les spectateurs d’assister à la représentation, à New York « aucun groupe de vigilance n’intervint, peut-être parce que la réalité qui est celle des Juifs à New York leur permet vraiment de supporter bien des choses » [5]. Qui a raison ? Les Juifs new-yorkais dans leur indifférence (au moins publique) ou les Juifs engagés de Francfort ? Il est clair que la question est purement rhétorique ou, si vous préférez, une question de café du commerce. Mais je la pose pour empêcher les pilates de se faufiler derrière un nuage de nuances et pour les forcer à révéler, à travers leurs considérations sur la rectitude politique, leur vision de l’art et de la politique.

Danto fait une mise en contexte non seulement par rapport à l’époque (mise en contexte à laquelle, même les critiques les plus entichés de l’art pur, nous ont déjà habitués), mais aussi au lieu : les Juifs de Francfort font face à une autre situation politique, ont devant eux d’autres signes d’oubli — et de renaissance — des discours de mort et donc ne réagissent pas comme leurs cousins new-yorkais : on n’est pas Juifs dans l’abstrait, quoi qu’en disent les intégristes, toutes races confondues. La position de Danto est claire, l’art n’est pas un bouclier pour protéger ceux qui n’ont pas le courage de l’action politique directe : « La représentation de l’antisémitisme est aussi dangereuse que l’antisémitisme lui-même, et peut-être davantage encore, parce que l’artiste utilise sa liberté pour se tourner vers les objets de sa haine, alors que ceux-ci sont engagés dans une des situations les plus civilisées qui soient, puisqu’ils sont membres d’un public de théâtre. ».

L’art peut être une arme offensive contre laquelle on a le droit et peut-être même le devoir de se défendre. Ce qui est tout à l’honneur de l’art : c’est seulement en considérant que certaines œuvres d’art sont dangereuse que l’artiste n’est pas réduit à un simple rôle d’entertainer[6]. Platon qui avait débuté le tourner en rond systématique sur l’art, avait déjà compris que l’art était dangereux pour la cité et qu’il fallait le musé(e)ler si on ne voulait pas qu’il conduise les hommes loin du bien établi. Les dictatures et les intégrismes, platoniciens by the book, n’hésitent pas à faire appel à la censure car ils sont bien plus conscients des pouvoirs de l’art que les sociétés dans lesquelles « tout » est permis ou, en termes plus pessimistes mais moins moraux, tout est récupéré.

Censurer donc ? Certainement pas. L’État ne doit pas empêcher un réalisateur de monter le spectacle de Fassbinder, mais les gens ne doivent pas faire comme si le spectacle n’était pas dangereux. Mieux : les gens qui croient qu’il est dangereux doivent intervenir et faire sortir Fassbinder d’une position facile et fausse du genre de celles qu’il donna à ses critiques : « Ce n’est que du théâtre ». Ce n’est pas que du théâtre, c’est surtout du théâtre.

La position de Danto, tout en coïncidant avec celle de la rectitude politique la plus ordinaire, n’est pourtant pas, comme celle-ci, fondée sur des considérations morales mais sur une vision de l’art comme un pan de l’activité humaine qui, au moins depuis Warhol, a complètement abandonné le lest de l’esthétique.

Tout cela est bien beau, mais et « l’enseignante de lycée qui se trouvait parmi le public » et qui « déclare qu’elle serait incapable d’expliquer cette intervention à ses élèves puisque " je leur ai toujours dit qu’on ne devait jamais toucher à l’art, ni l’empêcher " » ? Que lui dire ? Que l’art ne devrait pas être une nouvelle religion avec ses dogmes, avec ses musées-églises, ses papes et ses pasteurs ? Il s’agirait d’un début.

 

31 juillet 2003. Micro-pensées. Dans un État où la Cour suprême donne raison à l’éditeur d’une revue porno (Hustler) contre les prudes défenseurs de la moralité, les œuvres artistiques pornographiques ne devraient, en théorie, avoir rien à craindre. En théorie, car il est facile d’imaginer jusqu’où peuvent conduire quelques années de busheries et cela même si la pornographie artistique (ou l’art pornographique, si vous préférez) a une double protection : celle de la liberté d’expression et celle qui est propre aux œuvres d’art. Mais si Hustler n’a pas besoin de subventions pour survivre, ce n’est pas le cas pour beaucoup d’artistes et de musées. Voilà donc que la question « faut-il subventionner les artistes ? » et celle qui en découle si on y donne une réponse positive, « faut-il subventionner les œuvres d’art " immorales " ? » deviennent des questions qui peuvent faire tourner en rond jusqu’à ce que le tombeau soit creusé. La question est loin d’être rhétorique : aux États-Unis, le point d’observation de Danto, le cri « pas de subventions pour des artistes qui détruisent les valeurs de notre société » retentit toujours plus souvent. Cri pauvre d’esprit, certes, mais compréhensible, je dirais même nécessaire si on pense que l’art est dangereux. Cri de peur. Cri de faibles.

Ceux qui ne comprennent pas que l’on ne puisse pas supporter que l’État subventionne une exposition de photos où l’on montre un bras poilu enfoncé dans le trou d’un cul, sont de mauvaise foi, dogmatiques ou imbéciles. Il est évident qu’il faut les comprendre même s’il est plus facile de comprendre ceux qui trouvent la politique militaire de Bush obscène. Mais comprendre n’implique pas être d’accord : ce n’est que renoncer à ses propres raisonnements précuits — ce qui est tout sauf facile quand on a l’habitude de réchauffer au four à micro-pensées.

 

Premier août 2003. Mapplethorpe. Prenons Mapplethorpe[7] et supposons que ses œuvres soient des œuvres d’art : comment défendre leur subvention éventuelle ? En disant, comme Richard Howard[8], que « Mapplethorpe a esthétisé le phallus » et faire rire ceux qui réussissent encore à mettre l’artiste avant le critique ? ou croire comme Danto que les phalli «  étaient des pieux de chair, massifs, brutaux et lugubres (…) Mapplethorpe avait phallisé l’esthétique, transformant tout à travers l’archétype, chargé d’énergie sexuelle, du pouvoir mâle » ? La défense à la Howard, prise dans le filet esthétique de l’art sape les fondements mêmes de l’œuvre de Mapplethorpe en la réduisant à une beauté dépourvue de vie (vie qui, en ce cas particulier est le testament d’un mourant[9]). La défense à la Danto, considérant l’œuvre au-delà de sa beauté, la traite comme une charge d’explosifs pouvant faire sauter les vieilles défenses pour instaurer une autre parcelle de sens — pas meilleure, pas pire, une autre. L’État ne doit donc pas se limiter à financer ce qui « apaise » les citoyens mais aussi ce qui peut éventuellement les aiguillonner contre la morale et la politique dominante. Si l’art se doit de participer à améliorer « la qualité de vie » un État Dantesque[10] serait un État avec une vision de la « la qualité de vie » plus vaste qu’une simple paisibilité, mais cette vision a comme contrepartie que les citoyens qui ne sont pas d’accord devraient pouvoir s’opposer à Mapplethorne avec la même violence psychologique — ce qui risque de soulever les objections des moralistes de gauche. Ce genre d’État existe-t-il ? Certainement pas. Peut-il exister. Sans doute pas.

 

2 août 2003. Test de féminisme. J’ai l’impression que si l’on posait à Danto la question suivante : « Si le poing au lieu d’être dans le trou du cul d’un homme était dans celui d’un femme ? Faudrait-il encore le subventionner ? », il serait dans de beaux draps. D’une part il faut subventionner l’art en tant qu’art et de l’autre l’art « dangereux » doit s’attendre à des réponses « dangereuses », ce qui veut dire à des réponses qui pourrait empêcher l’artiste de s’exprimer — l’artiste en tant qu’artiste aurait donc moins de liberté d’expression que le citoyen normal. Ce qu’il écrit sur la pornographie dans le chapitre L’art dangereux, (comme il l’a écrit pour les Juifs qui s’opposent à la pièce de Fassbinder et comme il l’écrirait pour les Noirs contestant un film raciste) est l’on ne peut pas plus clair : « L’artiste qui s’approprie des images pornographiques attaque les femmes alors qu’elles sont engagées dans une situations on ne saurait plis civilisée, à savoir celle de membres du monde de l’art, étant entendu que les conventions liées au fait qu’il s’agit d’art les empêchent en principe de riposter lorsqu’elles sont assaillies ». Après une telle prise de position peut-il répondre que la subvention ne doit pas dépendre du contenu ? Seulement s’il ajoute que les gens peuvent s’arroger le droit de « faire sauter » l’exposition, le théâtre ou le cinéma. C’est, à mon avis, la seule position cohérente avec sa vision de l’art — un art qui est fini, comme il n’a cesse de souligner. Tout en étant la seule position vraiment cohérente, si je considère ce qu’il écrit à propos des critiques féministes d’une exposition de David Salle[11] : « Il se peut que l’appropriation de la pornographie à la manière de David Salle soit moralement encore plus condamnable que son utilisation immédiate, précisément parce que dans le dernier cas elle sert à exciter des mâles, alors que dans le cas de Salle elle est utilisée afin de provoquer l’indignation et la colère des femmes », je ne suis plus sûr qu’il la tiendrait — au moins en ce qui concerne les femmes. Ce « moralement condamnable » me semble bien plus dangereux que le danger qu’il met en évidence : dangereux parce que, tôt ou tard, il nous fait glisser vers « la majorité a toujours raison » ce qui ouvre toutes grandes les portes du paradis des débiles. Va-t-il rejoindre les moralistes de gauches dans le cercle des paresseux ?

3 août 2003. Vie et art. L’artiste n’a pas le droit de dire n’importe quoi parce qu’il est un artiste mais parce que tout être humain a le droit de le faire. That’s all folk. Le vrai problème et sans doute le seul à ce niveau est que l’artiste, en tant qu’artiste, ne dit pas mais il bâtit (un tableau, une sculpture, un film, etc.) Comment le citoyen « normal » peut-il donc s’opposer à une « construction artistique », à cette œuvre que l’artiste a mise dans le monde, et qui parle pour lui, insouciante, comme un objet naturel, de ce que les autres disent ; qui parle sans écouter et qui de son « je suis là » tire le droit au respect comme si elle était un humain, plus qu’un humain ? Faute de pouvoir construire des œuvres d’art qui s’opposent, le citoyen « normal » doit pouvoir détruire. Il n’a pas de choix. C’est ça aussi la politique. À moins que l’art ne soit sacré. Quand les Talibans détruisirent les célèbres statues, il était difficile de ne pas s’insurger, comme il aurait fallut s’insurger quand les communards pillèrent les musées parisiens et les Bagdadien leurs musées. Mais… Il faut encore plus s’insurger contre ceux qui voient rouge toute les fois qu’on détruit un tableau, un livre ou une statue mais qui trouvent normal, « ça toujours était comme ça », quand on détruit des humains.

La Gioconda est elle plus importante que la vie de l’humain le plus humble [12] ? Voilà une question qui ne devrait pas nous faire tourner en rond, surtout en une période où l’on peut faire des copies parfaites même… même des êtres vivants.

Mais il s’agit de copies ! du kitsch à l’américaine ! de superbe de parvenus !

Et alors ? Et alors ?

Et alors ?

Renoncez pendant un moment à vos pensées précuites[13]. Pourquoi ne pas penser que la copie est encore plus chargée d’histoire que l’original ? qu’elle a englobé l’histoire de l’original et celle de la technique — et donc du travail humain — qui a permit de faire la copie ? Qu’elle est donc bien plus digne de respect que l’original dont le seul mérite est de venir avant — et que dire du fait que l’œil nu n’est pas capable de différentier la copie de l’original et que seuls des instruments très sophistiqués, comme ceux qui ont permis la copie,  peuvent détecter les différences ? L’œil n’est plus capable, ou ne sera plus capable, et non pour des pertes de capacités perceptives ou cognitives mais parce que l’humain aura construit des machines toujours plus sophistiquées.

     Dans le seul but de faire de l’argent !

     Et alors ? Même si le but était l’argent, si on aime la Gioconda et on peut avoir une copie parfaite dans notre toilette, pourquoi pas ? Dans certains moments, il faut se foutre de leurs buts. Et si défendre les originaux, dans l’organisation actuelle du monde, signifie se mettre complètement du côté de l’économie telle qu’elle est aujourd’hui ?

Ce ne serait que la nième démonstration que les assoiffés de vérité et de profondeur, ceux qui méprisent la superficialité de la société moderne en sont les valets les plus rampants.



[1] Le premier cas, bien qu’il soit assez morbide est très répandu. Les pessimistes disent même que c’est le seul vrai cas.

[2] Tout lecteur attentif se demandera pourquoi j’ai forcé la métaphore du chien et n’ai pas suggéré celle de la rotation et de la révolution terrestre ici. Pour plusieurs motifs : 1) parce que je la trouvais drôle ; 2) parce que cela me permet de dire (en note) que le chien avance en troquant le temps pour le plaisir, ce qui est une des choses les plus plaisantes qu’un être vivant (indépendamment de sa position dans l’arbre de la vie) puisse faire ; 3) parce que l’image de la terre est trop facile à exploiter ; 4) pour introduire, plus ou moins subrepticement, les chiens sur lesquels je vais me vautrer dans les prochains jours.

[3] Ceux qui ont critiqué ma métaphore du chien sont obligés à admettre que, dans ce cas-ci j’aurais très bien pu parler à nouveau de chien, mais que mon sens de la mesure m’en a empêché.

[4] Arthur Danto, Après la fin de l’art, Seuil, 1996.

[5] Danto continue en écrivant : « ici personne n’a accordé beaucoup d’attention à la pièce ». Est-il possible que les Juifs new-yorkais, de manière bien plus efficace que ceux de Frankfort aient employé leur quotidien (The New York Times) pour que les gens n’y prêtent pas beaucoup d’attention ?

[6] Le fait d’être dangereux n’est pas une condition essentielle comme l’entertainment n’est pas en soi négatif. Ce qui est négatif, c’est rendre l’artiste inoffensif en le mettant de l’autre côté, avec les enfants et les fous, avec les irresponsables.

[7] Robert Mapplethorpe (1946-1989) photographe américain.

[8] Richard Howard (1929) critique américain.

[9] L’exposition dont parle Danto fut organisée par le Whithey Museum of American Art en 1988, quelques mois avant la mort de Mapplethorpe.

[10] Dans ce cas-ci, de Danto et non de Dante !

[11] David Salle (1952) peintre et sculpteur et photographe américain.

[12] Question qui n’est pas équivalente à celle qui hante tout discours sur la culture et que Dostoïevski (je crois) synthétisa dans l’opposition entre les bottes du paysan et une œuvre de Shakespeare. Ici il ne s’agit pas de botte mais de vie : la mort d’un paysan et la mort de «Roi Lear ». Mais roi Lear ne peut pas mourir parce qu’il est passé dans des milliers de livres, dans des films, des tableaux, etc.

[13] Il serait intéressant d’étudier pourquoi pratiquement tous ceux qui honnissent le fast-food, sont des maniaques du fast-think. Est-ce tout simplement parce qu’il faut toujours avoir un fast dans sa vie ?