19 janvier 2004. Woyzeck. Un énorme dictionnaire sous le bras, habillé comme un chevalier de la Table ronde, je me promène dans une rue d’Amsterdam. Elle me regarde, mains aux hanches, en position de bataille… Tu rases ton capitaine ?… je lui rase les aisselles… les chevaux courent sur les vitraux vaporeux… L’homme est fait pour se saouler… Marguerite s’ouvre le ventre avec une langue de gazelle… deux enfants minuscules (gros comme des fourmis castrées) sortent en chantant l’hymne à la foi suivis par des petits pois rouges… les enfants-fourmis se multiplient comme l’argent dans les poches des clochards de la Maison blanche… je compte très vite…. cent… mille… soixante et onze milles… le ciel est noir… noir comme ses aisselles… je prends mon épée, non, je la vole au capitaine… je hurle comme un samouraï de banlieue… je lui coupe les deux bras… j’ai peur… Montre comment tu remues les oreilles… Ses oreilles sont énormes comme l’œsophage des magdalenae forcipitensae ces animaux inanimés qui animaient la vie sans vie de Mars quand les hommes n’avaient pas encore appris à se taire… mais elles bougent… j’aime les oreilles qui bougent, j’aime la glace et les livres de Singer… il pleut, il pleut sous ses aisselles noires comme la pleine lune… il pleut des soupirs, des frottements, des nèfles… pourries comme son amour. Je sors du lit un tableau de Braque avec un diable qui lèche le nez de Saint Augustin. Quatre, ils n’étaient que quatre en été. Et moi moitié, la moitié gauche. L’autre, je l’avais laissée chez Marie Josée à côté du paturon de l’agence gouvernementale pour le développement des jeunes imbéciles de Saint Jean de Luz. Je suis habitué à couper les cheveux des Chinois. Eux aussi tirent au poigne née… c’est ça la Chine… tex, drague et sock and ball… Il pleut des hommes et des loups petits comme les péchés capitaux et il me dit qu’il est homo comme Guyotat et qu’il aime la violence, la violence faite aux femmes car il a peu de femmes et il a peur des foules et de la Tomme… Une Tomme de Savoie n’a jamais tué un Sarrasin… Je le crois, mais ses aisselles m’attirent… pas les sienne, celles… les siennes, celle du début … mes pieds sont à trois cent mille mètres de terre, toujours plus haut vers les aisselles… Il pleut sur Breast, sur vos amours, sur vos tristes tronches, sur vos cuisses de crème brûlée, sur vos genoux pelés, sur vos cheveux sales, sur vos barbes irsutes, sur vos culs merdeux, sur vos idées rances… Tu rases ton capitaine ? Quel capitaine ? Celui qui creuse la branchée des Aspirines ? Non. Le capitaiaiaiaiaiaiaine ! Ok. Ok. Pas de panique. Je ne le rase pas. Je ne veux pas tomber dans le chaudron de Russel. Avec Brigitte Bardot. Ne touchez pas à Brigitte ! Je deviens une bette ou une Marie-salope si vous préférez… L’homme est fait pour suer et pour tuer et la femme pour muer. Une nuée de bettes dansent au rythme d’une sonate du vieux Beeth… une nuitée d’été en santé dans les prés chez les fées de la rue goulet… In Hoc Signo Vinces… lequel ? celui de la voix de la femme qui attend la venu d’Hélio aux semelles de massepain, comme celles des immenses lèvres de sa tante Émilie ? Quand je bois du thé, je bois du thé, qu’elle disait quand on lui parlait de la révolution d’Octobre. Elle avait dépucelé son neveux Godefroi de Couillon, le chien de Maryse, l’âne d’Alexandre et la courgette de Pariseau... Quand je vois rouge, je vois rouge et quand je dis non, je dis non… Elle n’est pas une mauviette, tante Émilie. Surtout quand il pleut sur Breast.

 

20 janvier 2004 Aimer. La seule déclaration d’amour qui compte : je l’aime.

 

21 janvier 2004. Agnès. Depuis un couple d’années Dioclétien me persécute. J’ai beau ne pas être un bon chrétien, il ne me lâche pas. Parfois je me demande si ce n’est pas moi, masochiste comme je suis, qui le cherche : toutes ces histoires de martyrs musulmans me font si mal au foie que, parfois, je ne sais plus ce que je fais. Prenez aujourd’hui, par exemple. Aujourd’hui. c’est la sainte Agnès et ne sachant pas quoi faire de ma journée (on a beau crier contre le travail mais quand on n’a pas de travail on ferait n’importe quoi pour travailler), je décide de téléphoner aux deux Agnès que je connais et dans la foulée je m’en vais sur Internet à la recherche de sainte Agnès. C’est là que j’ai découvert qu’elle a été exécutée en 304 (sous Dioclétien ! Le voilà.) à l’âge de 13 ans. Pourquoi l’a-t-on tuée ? Il semble que c’est parce qu’elle a refusé une demande en mariage du fils d’un potentat local en prétextant qu’elle avait déjà un mari. Quel mari, à cet âge ? Le père, moins naïf que le fils qui se morfondait dans son studio en souillant les petites culottes de sa mère, fait une enquête et découvre que le mari est Dieu, c’est-à-dire Jésus Christ[1].

Petite menteuse ! Tu vas nous payer ça !

On l’envoie au bordel mais tous ceux qui l’approchent tombent fulminés.

On la met sur le bûcher mais les flammes se divisent en laissant son corps immaculé — seuls quelques poils se tortillent. Tous les hommes qui assistent sont par contre brûlés par les flammes qui ignorent toutes les lois terrestres.

Appelée par les démons, arrive une nouvelle garnison et Brutus enfonce sa longue épée sous l’ombre du sein gauche. C’était le 21 janvier, le dies natalis pour l’âme de sainte Agnès.

Si elle vivait aujourd’hui, si elle était musulmane, si elle habitait au Moyen Orient, elle se serait suicidée en se faisant sauter avec quelques dizaines d’infidèles. J’aime autant qu’elle ait vécu il y a 1700 ans.

 

22 janvier 2004 Banal. Ce que je vais écrire c’est très banal, mais une irrépressible force intérieure guide mes doigts : on n’est jamais ami de quelqu’un, on a été ami. Puisque je suis dans les platitudes jusqu’au cou, je vais ajouter que l’amitié dans le présent n’est que la projection du passé de l’amitié. Plus plat que cela, on mord.

 

23 janvier 2004Eaux d’heures. Je près faire ma pro chez de toi sous vent, car tes eaux d’heures m’or ris pile.

 

24 janvier 2004. L’horloge universelle. L’horloge universelle est un documentaire de Geoff Bowie sur Peter Watkins et son tournage d’un film sur la Commune. Un documentaire comme on en voit rarement. Si hautement pédagogique que l’on aimerait l’avoir vu quand on avait quinze ans. Peter Watkins cet « insurgé permanent », nous livre une leçon d’histoire et de cinéma. Un seul point noir : dans le documentaire il y a un dénommé Gatti, vulgaire comme un rat d’égout, qui crie comme un putois et ferait mieux de passer ses journées Chez José plutôt que de parler de Watkins.

 

25 janvier 2004 1968, I. Mais 68 n’ai pas ce qu’ils pensent.

1968, II. Les mois en mai étaient gonflés outre masure.

1968, III. Mes mais à moi ne furent pas gauchers,

 

26 janvier 2004 Menteur. Si j’invente une nouvelle arme de destruction massive[2], comme jadis Nobel, je vais créer une fondation qui attribuera le prix Rajotte à la personne qui aura le plus contribué à faire exploser les lieux communs les plus plats. En tant que grand financier de l’Institut, je me réserve le droit de donner le prix de l’année d’ouverture à celui qui aura convaincu au moins quatre ou cinq mameluks que l’expression « l’école ouvre les esprits » est un mensonge que ni Bush, ni Staline, ni Pinocchio, ni l’ange Gabriel, ni Mohamed, ni Bouddha, pour ne citer que quelques grands menteurs, n’auraient jamais osé proférer.

 



[1] Ce « c’est-à-dire », n’est pas très honnête, car en ces années là il n’y avait pas seulement Jésus qui se prenait pour Dieu mais aussi Dioclétien et son co-empereur Maximien.

[2] J’y travaille depuis bientôt vingt ans. J’attends ma prochaine année sabbatique pour des tests en Europe (probablement en Belgique ou à Paris) histoire de faire oublier les petits dégâts d’Hiroshima.