Tu quoque Iketnuko

 

M

oi aussi je veux dire quelques mots sur l’affaire Clinton. Il n’est pas vrai que tout a été dit.

 

On a dit qu’il fallait qu’il s’en aille à cause de son comportement un peu trop entreprenant avec mademoiselle Lewinsky (les vieux bigots) ou à cause des mensonges qu’il a racontés aux juges (les formalistes).

 

On a dit que l’on ne juge pas la valeur d’un président sur ses frasques et que la vie privée de Clinton concerne seulement sa femme et sa fille (les adeptes de la séparation du privé et du public).

 

On a dit que I’m sorry n’était pas suffisant et que le répéter ne faisait qu’empirer la situation (les nostalgiques d’une époque d’hommes forts).

 

On a dit qu’il est attaqué parce qu’il est le président des noirs (les adeptes de la rectitude politique).

 

On a dit qu’il faut le défendre contre le moralisme de droite (les sollersiens de l’autre côté de l’Atlantique).

 

On a dit que la responsabilité publique était jadis une conséquence d’une force éthique démontrée dans les difficultés de la vie privée (les affriolés de l’antiquité[1]).

 

On a dit que c’est un pourri au gouvernail d’un pays pourri (les jeunes anarchistes).

 

On a dit que c’est un sale égoïste qui pense seulement à son plaisir et oublie celui de Monica (les féministes enragées).

 

On n’a pas dit qu’il a créé le plus grand bouleversement culturel des deux derniers siècles en montrant que la langue d’une midinette en dit bien plus long que celle d’un représentant du peuple.


 



[1] Énée sacrifia Didon à la raison d’État mais n’avait-il pas, lui aussi, Clintoné ? Regnorum immemores turpique cupidine captos (Oublieux de leur règne et pris par une immonde débauche).