-L’apprentissage de la vie est une promenade dans l’univers
du don.
Une créativité endiguée par des
années passées dans des écoles-casernes et une année dans une caserne-école
explosa à la lecture du libelle de Vaneighem intitulé « Avertissement aux
écoliers et lycéens ». Une créativité qui, tirée par un désir de mort,
bien sûr, aurait bien voulu avoir à quelques mètres de soi la créativité
aigre-douceureuse de l’avertisseur pour lui assener un coup de tête dans
l’ensellure. J’avais beau me dire « du calme Ik ! », ça ne
marchait pas. La créativité (ou le désir) était trop libre : j’avais,
esclave bien dressé, besoin de contraintes pour que l’énergie libidinale trouve
le parcours vers une articulation post-animale.
Je pelletai la neige du jardin, puis
celle du voisin, puis celle du voisin du voisin et enfin celle de la voisine
du voisin. Sa bretelle blanche, mettant le nez entre le bordeaux du chandail et
le roux des cheveux, transforma l’énergie libidinale en libidineuse. Je rentrai
en courant auprès de mon amie et, après avoir déposé mon désir dans son
désireux vase, je me dis que...
Que.
Qu’il y avait trop de choses vraies
dans ce pamphlet pour ne pas s’irriter du mauvais usage et des mauvaises explications.
Que mon amie me l’avait conseillé et que donc il devait être bon[1].
Qu’il parlait de gai savoir, de corps et de vie. Qu’il disait qu’il faut avoir
une autre approche au travail, etc.
Est-il possible de critiquer l’école
sans tomber dans l’essai Arlequin avec des teintes Elle Québec :
« ...cette intelligence sensible et sensuelle chevillée aux désirs, cette
petite lumière du cœur qui clignote quand l’enfant, se trouvant seul avec lui
même, se pose la question : [...] en quoi vont-elles m’aider à me sentir
bien dans ma peau, à vivre plus heureux, à devenir ce que je
suis ? ». Pourquoi ne pas crier aux quatre vents qu’on se sent bien
surtout dans la peau (ou les muqueuses) d’une autre personne ? Comment ne
pas comprendre qu’en écrivant des niaiseries comme « devenir ce que je
suis » on accepte un langage et donc une manière de voir le monde qui est
bien plus castrante que toute école ou caserne ou lager ? Est-il possible
d’avoir une épaisseur intellectuelle si mince et de ne pas comprendre que
l’enfant ne se pose pas des questions mais que des questions se posent dans
l’enfant ?
Est-il possible de comprendre sans
se dévoyer d’une saine psychologie Dostojevskienne ? Sans entrer dans
l’ingénierie de l’âme ou des pulsions ou de l’inconscient ? Sans mimer le
vieux juif des rêves ou le chaman des écrits ? « À quelles névroses
et obsessions personnelles obéissent-ils pour oser jalonner de la peur et de la
menace d’un jugement suspensif le cheminement d’enfants et d’adolescents qui
ont seulement besoin d’attention, de patience, d’encouragement et de cette
affection qui a le secret d’obtenir beaucoup en exigeant peu ? » Qui
obéit plus à des névroses ou obsessions personnelles que celui qui voit agir
dans les autres ces mêmes dérangements ? Où veux-tu faire cheminer ces
enfants ? Vers le paradis de la création et de la libération du
désir ? Pauvre de toi. Tout ça, ça n’existe pas. Observe les loups, les
Femmes, les lions, les Hommes, les chats. Observe la volonté de puissance que
tu décries donner la vie et regarde comme elle aime les difficultés, les
examens, les jugements : comme elle aime cette complexité du monde qui
seule permet de se faire les griffes pour remplir la terre de signes éternels.
Et toi, mon pauvre coco, tu cherches l’aide de cette affection madrée, qui
détient le grand secret permettant aux gestionnaires et aux économistes de
l’esprit, d’obtenir plus avec moins.
Si notre simplet était un lycéen baveux on lui aurait suggéré de reprendre le travail, et « aie soin d’y mettre un peu plus de tête et un peu moins de cœur. car le cœur, le cœur, mon cher ami, est comme le cul : moins on le lave et plus il sent... mauvais ». Mais il ne l’est pas. C’est dommage, car, en ce cas, on ne peut que lui souhaiter une forme très grave d’agraphie.
[1] Voilà où m’a conduit une éducation fondée sur l’autoritarisme ! Même dans une indication anodine d’une personne que je respecte j’y vois une grande Vérité qui doit être la sienne et la mienne sans aucun détail qui nous sépare.