Martin, Richard.

 

Si les moutons pouvaient écrire, il est fort probable que l’année 1793 serait plus connue pour la cruauté de deux bouchers de Manchester que pour les boucheries parisiennes. Quand les deux mufles s’amusèrent à promener dans la ville des moutons auxquels ils avaient coupé les pieds, les cools habitants de Manchester s’insurgèrent et demandèrent un procès. Les juges condamnèrent les deux malotrus pour dommages à la propriété privée d’autrui (les moutons ne leur appartenaient pas), puisqu’il n’existait pas de loi condamnant la cruauté. Mais ce même peuple, si sensible aux moutons, adorait le bull baiting (des chiens affamés lâchés contre des taureaux) et c’est pour cela que quand, en 1800, Sir Pultney proposa une loi contre la cruauté envers les taureaux, il fut facile de la bloquer en prétextant que les « classes inférieures avaient, elles aussi, droit de s’amuser ». Ce sera seulement en 1822 que la première loi contre la cruauté passera en Angleterre et ce ne fut pas un Sir anglais, ni un Anglais tout court qui la proposa mais un Irlandais, Richard Martin (surnommé Martin Humanité), qui jugeait insupportables les sévices qu’on faisait subir aux Irlandaises (aux vaches irlandaises). Le 22 juillet 1822, l’Act to Prevent the Cruel and Improper Treatment of Cattle est introduit dans la législation anglaise pour protéger : « chevaux, juments, hongres, mulets, ânes, vaches, génisses, petits taureaux (bull calves), bœufs, moutons et autre bétail ». S’il n’y a pas les chats dans la liste, il ne faut pas penser qu’en ces temps-là on ne les fouettait pas (dans toutes les villes anglaises, il y avait des cat skinners qui écorchaient les chats vivants pour vendre leur fourrure !) ou qu’on n’était pas concerné par leur souffrance. La Chambre des Lords avait approuvé une liste qui comprenait les chiens et les chats mais les députés de la House of Commons les supprimèrent : comme quoi les représentants du peuple sont souvent plus vulgaires et insensibles que les nobles, ou, pour le dire autrement, les nobles sont plus proches des bêtes que le peuple.